DRAMÁTICA NARRACIÓN DE EXPERIENCIA DE TURISTAS CANADIENSES EN ZONA DE CATÁSTROFE EN CHILE. (se han cambiado los nombres en ra
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Puesta online a las 14:51, el 01 de Abril del 2015
DRAMÁTICA NARRACIÓN DE EXPERIENCIA DE TURISTAS CANADIENSES EN ZONA DE CATÁSTROFE EN CHILE.
(se han cambiado los nombres en razón de tratarse de una correspondencia personal, pero autorizada por su autor)
De : Jean [mailto:jean@sympatico.ca]
Envoyé : 31 mars 2015 01:54
À : i@hotmail.com; Info@chileinforma.com
Objet : RE: On n'est plus bloqués à Copiapo!
SVP lire DÉSINFORMATION plutôt que MÉSINFORMATION. Merci.
J
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Subject: On n'est plus bloqués à Copiapo
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Santiago, dimanche 29 mars 2015.
Ouf, nous sommes finalement sortis de Copiapo!
Hier (samedi 28 mars 2015), après 3 jours d'isolement et d'incertitude depuis le désastre survenu mercredi (25 mars 2015) à Copiapo, Ines et moi et nos hôtes Omero et Maria avons enfin pu sortir de la maison de l'impasse Australia où les eaux et les boues nous avaient bloqués. Nous avons donc pu prendre congé de nos hôtes en soirée, et notre bus est arrivé ce matin (dimanche 29 mars 2015 à 7 HR 30) sans encombres au terminal de Santiago. Les rues étaient désertes. Un taxi nous a conduit rapidement à l'appartement de nos amis, rue Blanco Encalada, face à l'Arsenales De Guerra et à 1000 pas du grand Parque O'Higgins. Bob, leur fils, y dormait encore; son frère Juan nous avait rejoint à Copiapo pour la fin de semaine, il voulait voir son jeune bébé Émilia.
Cette évacuation ne fut pas facile. D'abord, la TV a annoncé samedi en fin d'après-midi que le couvre-feu était avancé de 23 HR à 21 HR. Or la veille au soir nous avions pris nos billets par Internet pour l'un des premiers bus disponIbles, à 21:54 HR. Nous nous sommes donc "précipités" au terminal de TurBus au centre-ville, ce qui a pris 1 HR 30 environ pour se frayer un chemin de 5 Km dans les rues boueuses, parfois à peine passables avec notre 4X4 Subaru, parmi de nombreux autres 4X4 qui tentent aussi de se sortir de la mélasse. Une fois là et après avoir pataugé à notre tour dans la slush, on nous rassure, nos billets restent valides malgré le couvre-feu et notre bus partira comme prévu. Mais le terminal est submergé par la boue. Et il serait difficile, pour Ines et moi, de nous rendre seuls à pieds dans la boue avec nos trois valises puis d'attendre des heures à l'arrêt improvisé du bus de TurBus, pourtant tout proche, au coin des rues Chañarçillo et Colipi. Bref, nous explorons et parvenons à trouver un chemin plus praticable en passant par les terminaux voisins, qui par hasard sont mieux dégagés. Omero nous y rejoint à pied de son bureau où il vient juste de reprendre son travail, et nous changeons pour un bus de Andimar qui partira plus tôt... et coûtera moins cher. Au passage nous avons acheté deux sandwichs poulet-mayonnaise et quelques boissons dans un petit restaurant voisin, miraculeusement ouvert ici et à cette heure tardive. Nous partirons sans encombres à 20 HR 40 comme prévu, après avoir avalé nos sandwichs et boissons. Le voyage sera confortable et nous dormirons relax dans nos fauteuils "salon-cama", plus confortables d'ailleurs que les fauteuils d'avion habituels.
J'en reviens à l'état des lieux samedi.
L'état d'urgence est proclamé depuis quelques jours et désormais l'armée fait la loi à Copiapo. Dans les rues, des soldats armés, en tenue de combat et casqués, fusils d'assaut chargés à la main et chargeurs à la ceinture, patrouillent pour maintenir l'ordre. D'autres, tout aussi pesamment armés, contrôlent strictement l'entrée et la sortie des rares magasins d'alimentation ouverts depuis ce samedi (Jumbo, Lider aka Walmart) pour empêcher batailles, paniques et pillages. Mais dans l'ensemble les gens restent calmes et disciplinés et respectent les longues files d'attente, le plus souvent pour ressortir avec seulement quelques sacs de produits essentiels, avant de rentrer chez eux à pieds dans la boue épaisse et visqueuse faute d'autres moyens de transport. Sur le large terre-plein entre les 2 voies de l'avenue Copayapu, deux ou trois tentes plantées sur 30 CM de boue molle doivent servir de quartier général; ou peut-être d'hôpital de campagne ou de centre de vaccination? Nous croisons quelques gros camions civils portant la croix rouge et qui transportent des caisses, probablement les bouteilles d'eau distribuées gratuitement dans la ville, et quelques volontaires des secours d'urgence. Ici, des camions militaires bondés de dizaines de soldats attendent les ordres sous le soleil. Là, une automitrailleuse blindée sur roues, monstre monté par 3 soldats aux uniformes impeccables, patrouille et croise notre chemin plusieurs fois (ou, serait-ce plusieurs machines?) en prévision, sans doute, d'un improbable assaut. Hélas, ces déploiements de force spectaculaires, s'ils préviennent les violences, n'améliorent pas le sort de la population, qui grouille toujours dans la boue. Mais il ne faut pas en demander plus à une armée, dont la finalité est de gagner la bataille au mépris des pertes. Et les ordres viennent de haut et de loin. Aux civils, donc, de prendre leur sort en main, ce qu'ils font avec l'énergie du désespoir.
Sur le terre-plein boueux qui divise les 2 grandes voies de l'avenue Copayapu (qui, avec l'avenue Los Carretera qui lui est parallèle, a servi mercredi de voie d'invasion aux eaux et boues dégringolées de la Cordillière, à 150 KM d'ici) deux Carabineros à cheval font calmement une patrouille symbolique, mais rassurante. Au Chili, la police est respectée. Aux carrefours où les feux de circulation fonctionnent encore, on respecte les signaux et ceux qui ignorent ce semblant de retour à la normalité se font apostropher vertement. Parfois il faut violer la loi et se faufiler à contresens car les rues sont bien loin d'être dégagées. En effet, faute d'un système organisé de camions et d'excavatrices, en dégageant l'une on peut obstruer l'autre! Sur les berges on voit par les portes ouvertes les familles s'acharner à évacuer la boue qui envahit leurs logis depuis maintenant 4 jours, à la pelle, à la planche, au seau, à la cuillère ou par tout autre moyen improvisé, le plus souvent pour pelleter le problème un peu plus loin. Cette boue commence maintenant (samedi soir) à sécher, épaissir et durcir sous le soleil brûlant (il fait dans les 30 dg C à l'ombre, et il est bon de se protéger des ultra-violets avec des vêtements amples ou des crèmes solaires), ce qui d'un côté facilite la circulation mais de l'autre crée un nouvel ennemi: La poussière, des nuages d'une poussière blanchâtre très fine que les roues et le vent soulèvent et qui commence à s'insinuer partout, dans les maisons et dans les poumons. Sans compter les profondes ornières que les autos avaient tracé.
Ici et là l'odeur est nauséabonde; ce sont les égoûts, la plupart obstrués par les boues. Un énorme bulldozer, dans la cour du bureau du Ministerio de las Obras Publicas (MOP, aka Ministère des travaux publics) où Omero est retourné travailler avec fierté et énergie, transporte -je ne sais où- dans son immense pelle des tonnes de cette boue fétide. La plupart des 160000 habitants de Copiapo sont privés de tous services médicaux et sanitaires. Les plus riches, isolés dans leurs condominions bâtis sur des terrains surélevés, des forteresses gardées où ils peuvent vivre reclus entre eux en "sécurité", sont en général épargnés. Les plus pauvres sont souvent les plus atteints, surtout au centre-ville. La splendide Plaza De Armas est dévastée, comme la plupart des magasins, échopes et habitations alentour. Quelques chiens rescapés se mêlent à la foule - car il y a foule dans ces rues sinistrées- , silencieux et tête basse, le regard hagard, les pattes et le pelage souillés de boue, survivants du déluge qui a emporté beaucoup de ces fidèles compagnons de la vie citadine. Sous la menace conjointe des infections et de la fine poussière, déjà on voit des gens porter un masque de papier sur la bouche, semblable à ceux que l'on porte dans les hôpitaux contre les infections; mais leur efficacité est hélas limitée. En voyant ce désastre, ces foules qui piétinent en peinant dans la boue jusqu'aux mollets, parfois jusqu'aux cuisses, je ne peux m'empêcher de penser aux soldats de la première guerre mondiale s'enlisant dans la boue des tranchées, de la Somme et des Flandres, boue qui avait englouti tant d'hommes et de chevaux et causé tant de souffrances chez nos aïeux, mes grand-oncles, mon grand-père.
Cette immense catastrophe en devenir affecte Copiapo mais aussi de nombreuses localités plus petites, de La Séréna á 400 km au sud de Copiapo à Antofagasta à 400 km au nord; du Pacifique à l'ouest aux contreforts de la grande Cordillière, à 4000 m d'altitude (ce qui explique la violence du déferlement et la vitesse des flots) 150 ou 200 km à l'est. Nul doute pour moi, cette catastrophe est bien pire qu'un tsunami, en général limité á quelques centaines de mètres de profondeur le long des côtes. Le Chili en général, et la TV en particulier, n'ont pas encore pris conscience de l'ampleur du désastre. Je déplore que cette TV-spectacle ne s'intéresse qu'aux aspects sensationels et émotionels de cette réalité, en retenant les téléspecteurs émus devant les images-chocs, les pleurs de la veuve et de l'orphelin, les cris et récriminations contre la torpeur et l'insensibilité du gouvernement (à des fins bassement politiques contre Michèle Bachelet?). Images qui augmentent les cotes d'écoute et les revenus publicitaires, et que le consommateur-voyeur suit distraitement comme un show hollywoodien où les victimes, on le sait, ne sont que des acteurs.
Au-delà de ce sensationalisme, de ces TV d'opinion, il manque une TV d'information, un peu comme Radio-Canada, un service public pour informer les sinistrés sur les ressources disponibles (routes et rues ouvertes ou fermées, circulation, coins à éviter, assistance médicale, commerces et pharmacies ouvertes, disponibilité des transports publics et bus..), sur les ressources du gouvernement et des ONG (distribution d'eau, de médicaments et de nourriture; toilettes chimiques; hôpitaux militaires de campagne; campagnes de vaccination; coordination des actions; centralisation des informations...), sur les ressources et le dévouement des citoyens ordinaires (entraide; partage des logements, véhicules et outils; bénévoles eux-même sévèrement sinistrés qui utilisent leur bulldozer pour dégager gratuitement la rue des voisins et connaissances ....), ou sur des recettes pratiques pour survivre et colmater les dommages.
Et surtout il manque de l'information factuelle sur les secours déployés, les moyens mis en oeuvre, les plans de sauvetage et de nettoyage, et l'état des lieux. Cela afin de rassurer l'opinion et de contrecarrer les campagnes de désinformation.
Hélas, malgré les apparences données par une économie florissante et une armée moderne et puissante, l'État Chilien est faible et ses ressources limitées. Car ici, grâce au régime Pinochet, tout ou presque est privatisé, y-compris la santé, l'éducation, l'électricité, les transports, les communications et ... l'eau des rivières, dont celle de la rivière Copiapo! L'état contrôle donc peu de choses -l'armée?- directement, et les sociétés privées font ce qui leur convient -gagner du fric. C'est le royaume du capitalisme sauvage et de l'individualisme, le triste héritage d'un régime voulu et soutenu il y a 40 ans par la CIA et les grandes multinationales américaines, qui sont intervenues brutalement dans la politique intérieure d'un pays démocratique et ami pour qu'il n'échappe pas á leur contrôle. Les gouvernements sociaux-démocrates qui se sont succédés depuis n'ont pas encore réussi á défaire -légalement, c'est-à-dire suivant la constitution héritée du même Pinochet!- cet état de fait.
Enfin, en ce qui nous concerne, nous voici hors de danger. Notre présence à Copiapo était devenue peu utile et ne faisait qu'augmenter les risques d'épidémie. À mon avis, une évacuation massive serait justifiée, surtout pour les enfants et les personnes vulnérables. Là-bas, Omero et Maria travaillent toujours avec ferveur au "retour à la normalité", et à protéger leurs biens. Mes voeux les accompagnent, et surtout qu'ils restent en bonne santé. Juan doit revenir à Santiago demain matin (lundi 30 mars) par bus avec son amie Monica et leur bébé Ésmeralda; ils seront plus en sécurité et il reprendra ses études universitaires. Quant à nous, nous prendrons notre vol AA jeudi soir, pour arriver à Dorval via Miami vendredi (vol xxdx) où nos amis nous attendrons. À moins qu'un tremblement de terre ou une éruption volcanique nous en empêche?
Restons positif, dirait Omero!
À bientôt donc, chers amis.
Jean et Ines
PS: (Mardi 31 mars) Quelques nouvelles d'Omero et des évênements depuis dimanche.
Une énorme machine est arrivée de Valdivia, une sorte d'aspirateur géant qui permet de nettoyer rapidement la boue qui obstrue les principales canalisations d'égoût. Bien sûr, il faudra autre chose pour débloquer les milliers de petites canalisations secondaires qui vont aux maisons. Des mines de la région, et de tout le Chili, arrivent en secours hommes, bulldozers et camions, qu'il faut gérer, mettre en oeuvre et coordonner efficacement. C'est le travail, invisible, ingrat mais crucial, du MOP. Dorénavant, ces machines travaillent durant le couvre-feu pour déblayer les rues et évacuer les boues, en commençant par les avenues principales (Copayapu et Los Carrera). Et, Omero vient de recevoir du MOP le mandat d'organiser le sauvetage de deux camions dont les citernes répandent leur contenu, des tonnes d'acide sulfurique.
Ainsi, depuis leur retour au travail, Omero et ses collègues du MOP et leurs patrons, jusqu'au ministre, consacrent toute leur énergie à réparer les dégâts, et en premier lieu à "rétablir la connectivité" c'est-à-dire routes et communications. Je crois qu'il fait ce qu'il dit. Et nous-mêmes allons lui faire parvenir par bus une petite toilette chimique de camping achetée à Santiago, ses égoûts étant encore bouchés. C'est notre modeste contribution à l'amélioration des conditions sanitaires.
Vous ne trouverez pas ces informations aux TV privées (il n'y en a pas d'autres) du pays. D'ailleurs, ici et dans le monde les médias ont tourné la page et se régalent déjà d'autres scandales et catastrophes. Par contre, il circule dans ce nord dévasté, me dit Omero, des rumeurs de favoritisme, voire de détournements à des fins personnelles, et autres médisances à l'encontre de ces travailleurs, qui le blessent profondément ainsi que ses collègues. Je peux comprendre la frustration de ceux qui ont tout perdu; mais ce n'est pas une raison pour exploiter cette frustration sans contexte et sans preuves, pour salir la réputation de ceux qui, au lieu de parler, geindre et récriminer, oeuvrent dans l'ombre au bien commun.